Propos recueillis par LILIANE POTIER

La première question que j'ai envie de te poser, est :

qui es-tu Nat ?

 - Comment dire... Depuis toujours, il m'est vital  de concevoir, réaliser... Je suis, je peux l'affirmer aujourd'hui, une expérimentatrice  passionnée. Passionnée et authentique dans tout ce que j'entreprends. Je n'ai, durant le temps de la réalisation, d'esprit et de corps qu'à cela. Jusqu'à ce que je considère que c'est achevé. Et ce dans quelque domaine que ce soit. Ensuite cela doit partir, s'émanciper, pour se reformer ailleurs.. peut-être ? Mais, cela ne me préoccupe guère finalement, car immédiatement, j'ouvre une nouvelle page.

Des nouvelles, des chroniques, un feuilleton érotique, des pièces de théâtre...

Les versions audio qui sont des mises en scène, en quelque sorte, de tes  propres nouvelles ?

Et aujourd'hui tu donnes ta voix  au Decameron de Boccace ... Tu n'arrêtes pas !

- Arrêter ? Eh bien, cela m'arrive parfois : une panne, où rien ne se passe, rien ne se créé ! J'ai très, très peur que plus rien n'arrive jamais ! C'est véritablement une horrible sensation ! 

L'idée d'enregistrer mes nouvelles m'est venue, alors que je cherchais un miroir à mes histoires. En effet, lorsque je peignais et sculptais, j'avais toujours un grand miroir dans l'atelier ; un oeil sévère qui me disait mes défauts. C'est, d'ailleurs, le sujet d'un texte que j'ai écrit il y a longtemps :  Le miroir de Fergus Lane.

Or donc, quel miroir pour un texte, sinon une voix pour les dire ? Destiné tout d'abord à me corriger, cela deviendra quelques années plus tard un objet à part entière.

Ce fut une véritable aventure que de chercher et trouver une voix ; à tel point que j'en fis une nouvelle, intitulée Une voix que j'ai intégrée dans le recueil le Journal de Jane Doe.

Nathalie Bessonnet

photo Nick Woolf @2023

"Mettre en scène" : c'est évidemment présomptueux, mais il est vrai que dans la lecture d'un texte à haute voix, il y a un peu de cela.

Cette dimension théâtrale, je l'ai ressentie  en travaillant avec le comédien Alain FLoret, au cours des enregistrements (les nouvelles étaient toutes destinées à être interprétées par lui).

Je reprends possession de mes textes, pour en achever le travail et leur donner une voie autre... (à part la nouvelle "Vie de chien", si magistralement interprétée par A.Floret )

Quant à ma rencontre, si je puis dire, avec Boccace, elle a eu lieu il y a quelques années : je trouvai dans la bibliothèque d'un de mes amis : le Decameron" dont j'avais entendu parler comme d'un recueil de contes égrillards - ce qui n'est pas tout à fait vrai-. 

Tu sais, nous disons : "Ah les Contes de Boccace !", comme on dirait : "Ah! les fables de La Fontaine"... ou encore : "Ah! L'enfer de Dante!", d'un air entendu... Mais je me suis rendu compte, qu'assez peu de personnes -et j'en fus-, ont vraiment lu le Decameron ou La Divine Comédie, et généralement l'on se contente des fables les plus connues et ressassées de Jean de La Fontaine... J'ai donc ouvert ce livre et ne le quittai plus.

Je n'imaginais pas encore en faire une version audio, c'est au reste un travail que j'effectue en prenant mon temps et pour le plaisir.

Ma dernière interrogation porte sur ton nom ou plutôt tes noms d'auteure. Pourquoi ces divers changements ? C'est un peu perturbant...

- Oui, tu as raison. A croire que je ne sais plus comment je m'appelle... ( rire).

Le fait est que je n'avais un nom en tant que peintre-sculpteur, un différent pour signer mon feuilleton érotique, un autre pour l'enregistrement de mes audios... etc. Le nom que j'adoptais ayant fonction de distinguer toutes ces occurrences. comme des sous-ensembles de moi-même.  ( avis aux psy ! )

Il est vrai que ce n'est pas pratique pour la communication, les arbres généalogique, l'Histoire... Je ne cherche pas à entrer dans l'Histoire. Et je ne suis pas douée en communication.